Henri V, comte de Chambord - L.A.S., 4 pages In-4, 9

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HENRI V, L.A.S., 4 pages In-4, Frohsdorf 9 décembre 1866, à mon "cher Général".

4 pages In-4. Importante et célèbre lettre politique du comte de CHAMBORD qui provoqua un tollé au sein de l'opinion publique puisque le préfet de police d'Île-de-France rédigea une réquisition en date du 23 janvier 1867 pour faire saisir les copies dans les bureaux de poste de toute la France.

"L'année qui va finir, mon cher Ami, n'a pas été heureux pour l'Europe, et en particulier nous la France ; la gravité des circonstances frappe tous les esprits ; l'opinion publique s'en émeut, les intérêt menacés s'inquiètent du présent et s'effraient de l'avenir ; à peine remis d'une secousse violente, ils en redoutent de nouvelles ; des questions qui semblaient assoupies se réveillent, partout on arme, partout on prépare des moyens formidables de destruction et de guerre ; les événements dont l'Allemagne et l'Italie ont été récemment le théâtre ont confondu tous les calculs, trompé toutes les prévisions, rompu brusquement l'équilibre Européen, et aucun pays n'en a ressenti plus vivement que le nôtre de douloureux contre-coup.
Cependant, grâce à Dieu, en considérant avec calme et de sang-froid l'Etat des choses, je n'y vois rien pour nous d'irréparable. Notre influence prépondérante a été profondément atteinte, mais une sage et ferme conduite, sans témérité comme sans faiblesse peut la relever. Oui, la France, avec son énergie, sa loyauté, son désintéressement, prompt à se passionner pour toutes les grandes idées et à se dévouer pour toutes les Justes causes, avec son armée aussi admirable par sa discipline que par sa valeur, avec sa puissante unité, œuvre des siècles, marchera toujours à la tête des nations. La Grandeur est précise [?] à l'ordre, à la stabilité, au repos de l'Europe.
Mais, c'est une raison de plus pour ne pas négliger les conseils d'une politique prévoyante, pour ne pas accepter en silence ce que nos Pères se sont efforcés d'empêcher dans tous les temps, pour ne pas se laisser former à nos portes, deux vastes états, dont l'un surtout dispose d'une force militaire incontestable. Justement jaloux de l'honneur et de la dignité De notre belle Patrie, craignons pour elle jusqu'à l'ombre d'un amoindrissement d'influence qui lui appartient. Oui, naturellement, ma pensée se porte sont [?] où nous laissons abattre en ce moment une des grandes choses que Dieu a faites pour la France. Qu'est-ce Dieu par [?] ! Je veux dire la Souveraineté [?] de son indépendance et du libre exercice de son autorité spirituelle dans tout l'Univers lorsqu'il y a 18 ans, nous avons relevé cette institution deux fois séculaire, un instant renversé par la révolution, nous avons revendiqué hautement, nomme un droit sacré, le devoir de la défendre contre de nouvelles attaques ; et tant que nos soldats ont gardé la Cité sainte, la Révolution a tremblé devant eux, mais leur départ est annoncé, après qu'arrivera-t-il ?
Si d'autres [?] avaient présidé au gouvernement de notre pays, fidèle à ses traditions matinales et à son glorieux titre de fille aînée de l'Eglise, la France aurait eu quelque chose de plus à offrir au Saint Père, qu'un appui provisoire et passager ; soutenu par elle, Pie IX n'aurait eu rien à craindre de ses ennemis ; il eût accompli en paix sa double mission de Pontife et de Roi, et ses peuples lui devraient depuis longtemps les améliorations dont il avait pris lui-même la généreuse et paternelle initiative.
Aujourd'hui, nous touchons peut-être à une catastrophe dont les conséquences sont incalculables. Ce n'est pas l'avenir de la souveraineté Pontificale qui est seul en péril ; jusque là, il ne s'agissait, disait on, en dépouillant le Chef de l'Eglise de son pouvoir temporel, que de le ramener à la sainte et honorable pauvreté de l'âge apostolique, afin que déchargé de tous les soins de la terre, il puit exercer plus librement son autorité spirituelle. Mais maintenant, on ne s'en couche plus : Dans son pouvoir temporel, c'est bien son autorité spirituelle qu'on veut atteindre ; et au principe même de toute Religion et de toute autorité qu'on s'en prend.
Bientôt on demandera logiquement que nos lois et de nos tribunaux disparaisse l'idée de Dieu. Alors, il n'y aura plus entre les hommes d'autre lien que l'intérêt ; la Justice ne sera plus qu'une convention, il ne restera plus d'autre moyen pour l'obtenir que la force, et l'édifice social, mené dans ses fondements, s'écroulera de toutes parts.
On repousse, non sans raison, l'immixtion de l'Eglise dans la politique ; on veut que le Clergé se renferme dans ses saintes fonctions, sans se mêler des choses du dehors, mais comment pourra-t-il ne pas s'en occuper, quand on aura jeté le trouble dans le gouvernement de l'Eglise, quand son chef vénéré ne sera plus libre, et qu'on l'aura forcé à quitter Rome et à sans asile, n'ayant plus où reposer sa tête.
Ron [?], la cause de la souveraineté temporelle du Pape n'est pas isolée ; elle est celle de toute religion, celle de la société, celle de la liberté. Il faut donc, à tout prix, en prévenir la chute.
Disons-le à la louange de notre pays, à aucune époque et dans aucune circonstance il ne s'est trompé sur le caractère et la portée de ce qu'il voyait s'accomplir ou se préparant son sens droit n'a cessé d'indiquer ce qu'il y avait à faire ou à éviter ; ainsi ses impressions premières sur l'Italie, sur l'expédition du Mexique, sur la lettre prêt à s'envoyer en Allemagne ont signalé d'avance dans les étroites limites laissées à leur manifestation, les dangers reçus - conséquences d'une politique poursuivie malgré ses avertissements réitérés, que les faits n'ont pas tardé à justifier.
Vous me tracez, mon cher Ami, un affligeant tableau de notre situation intérieure. Je reconnais, comme vous, la profondeur du mal qui arrête au dedans la grandeur de nos destinées. Vous savez, depuis longtemps, les vœux que ma raison et mon cœur me dictent pour ma patrie, est-il besoin de vous les redire ici ? Un pouvoir fondé sur l'hérédité monarchique, respecté dans son principe et dans son action sans faiblesse comme sans arbitraire, le Gouvernement représentatif dans sa puissante vitalité ; les dépenses publiques sévèrement contrôlées, le règne des lois, le libre accès de chacun aux emplois et avec horreurs ; la liberté religieuse et la liberté civile conservées est hors d'atteinte ; l'administration intérieure dégagée des entraves d'une centralisation excessive ; la propriété foncière rendue à la liberté et à l'indépendance par la diminution des charges qui pèsent elles, l'agriculture, le commerce et l'industrie constamment encouragés, et au-dessus de tout cela, une grande chose, l'honnêteté. L'honnêteté qui n'exclus pas moins une obligation dans la vie publique que dans la vie privée. L'honnêteté qui fait la valeur morale des Etats comme des particuliers.
Est-il besoin d'ajouter qu'après tant de déchirements, un des premiers besoins de la France, c'est l'Union. La seule politique qui lui vienne est une politique de conciliation, qui relie, au lieu de séparer, qui mette en oubli toutes les anciennes dissidences, qui fasse rappel à tous les dévouements, à tous les mérites, à tous les nobles cœurs qui, aimant la Patrie, comme une Mère, la veulent grande, libre, heureuse et honorée.
Quant à moi, ma douleur est de voir de loin, les maux de mon pays, sans qu'il me soit donné de les partager. Mais, si dans les épreuves qu'il peut encore avoir à traverser, la Providence m'appelle un jour à le servir, n'en doutez pas, vous me verrez paraître résolument au milieu de vous, pour nous sauver ou périr ensemble.
Vous qui me connaissez, mon cher Ami, vous savez bien que les idées que je viens d'exprimer ont toujours été les miennes ; c'étaient les idées de ma jeunesse, ce sont mes idées d'aujourd'hui, confirmées et mûries par le travail et l'expérience.
Je vous renouvelle mon cher Général, l'assurance de ma bien sincère et constante affection.
(Signé) Henri"


Odeur de plastique.

PROVENANCE :
Collection HUBERT GUERRAND-HERMÈS (1940-2016).

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